Les plateformes de partage de signets (social bookmarking): Veille partagée et curation
Devenir un curator : pourquoi ?
Comme l'illustre Steve Rosenbaum avec le 11 septembre, les médias n'ont plus le privilège de relater des actualités sous forme d'histoires (storytelling). Les médias sociaux offrent désormais une abondance d'images, de textes, de séquences sonores, de vidéos qui collectées, filtrées, commentées peuvent être livrées par n'importe quel internaute à la communauté des personnes qui sont entrées dans son réseau : trouver de l'information sur un sujet, lui ajouter une plus value (sélection et remarques personnelles) tel est l'objet de la curation aujourd'hui.
video :
Un Scoop-it pour les doctorants : doctorat-et-doctorants
Fil de curation réalisé avec Scoop-it par le collectif PAPERA (Pour l'Abolition de la Précarité dans l'Enseignement supérieur, la Recherche et Ailleurs)
Dis-moi ce que tu "tagues" et je te dirai qui tu es...
Illustration : Elvis. Post-it art. (Photo de ih8gates)
Les annotations et les mots-clés que l'on laisse sur la toile font partie de notre identité numérique. Plus précisément, ils constituent en partie notre identité numérique passive (= dont nous n'avons pas consience / qui n'est pas motivée par une volonté de communication ou de publicité). Un nuage de tags est donc un moyen volontaire ou non de se décrire soi-même. Dans cette mesure, les plateformes de partage contribuent à relier des individus à travers des contenus (quand les réseaux sociaux au sens strict, type Facebook, relient des individus par d'autres individus servant d'intermédiaires).
Ainsi Diigo, Delicious me permettent de repérer des profils intéressants de gens qui pratiquent une veille active sur mon champ de recherche. Grâce à eux, je vais pouvoir étendre ou faire rebondir mes recherches dans des directions imprévues. Il me sera alors possible d'obtenir des informations que je ne songeais même pas à chercher mais qui me seront néanmoins utiles. Cette mise en relation inédite et inattendue d'éléments qui vont me permettre de progresser dans ma recherche est précisément ce que définit le mot "sérendipité".
La curation en débat
Deux interrogations subsistent à propos de la curation :
- La valeur ajoutée : quelle valeur ajoutée à ce type de "digest" du web ? La sélection suffit-elle à donner cette valeur au produit ou bien faut-il attendre des curateurs qu'ils accompagnent les articles sélectionnés de commentaires pertinents. La curation n'est-elle pas comparable à une activité parasitaire du web. Sa pratique ne renforce t-elle pas le règne du Même déjà facilité par le copier-coller ?
- Question proche de la première : quel droit avons-nous en tant que curateurs de réutiliser ainsi le travail d'autrui. La question du droit rattaché à la curation est particulièrement étudiée par Michèle Battisti. Cette dernière rappelle que "l’exception de courte citation ne s’applique pas aux photos sous forme de vignette, ni aux premières lignes d’un article non contextualisées dans une « œuvre seconde », et que l’exception au droit d’auteur accordée aux revues de presse ne couvre que des pratiques journalistiques" (Paralipomènes, La Curation au risque du droit, 23 avril 2012). L'activité d'un curateur n'est donc pas comparable au titre du droit à celle d'un journaliste du web. Cependant pour les auteurs de ces articles et de ces images originales, la curation donne un écho qui est plutôt avantageux, surtout quand le curateur est reconnu pour son activité. Il y a donc des moyens juridiques de s'opposer à la curation, mais il manque la volonté de le faire chez ceux dont les oeuvres sont ainsi mises en exergue.